17 janvier 2021
15 janvier 2021
14 janvier 2021
Minnie Goetze
Elle s’élève, tournoie, tangue, elle se liquéfie, se noie, elle danse encore, et boit encore, paupières lourdes, les basses lui font un effet effervescent dans le fond des oreilles, sa poitrine veut s’envoler, mais ses pieds collent au sol. Elle ne sait plus vraiment quand la soirée s’est terminée, ni pourquoi elles ont décidé de venir s’échouer dans ce bar du quartier avant de rentrer. La musique n’est pas terrible, l’ambiance non plus, la clientèle léthargique lui fait craindre l’ennui. Elle regarde Kimmie et voit bien qu’elles font tâches dans ce décors, trop jeunes, trop alcoolisées, trop apprêtées, dans cette pièce à l’odeur de sueur d’homme, leurs voix volent trop haut au dessus du brouhaha, leurs corps luisent trop dans les néons. Pourtant elles rient, elles rient et les choses semblent tellement plus simples ce soir, elles sont libres, fini l’enfance, Kimmie lui a peint les paupières en bleu électrique, elle lui a dessiné un épais trait de liner noir le long des cils, elle est méconnaissable, presque séduisante, au moins désirable. Le regard des hommes depuis l’autre côté du bar est peut-être dégueulasse mais il n’en est pas moins drôle, elle demande à Kimmie, tu crois qu’ils pensent qu’on est des putes ? Kimmie pense que les putes détiennent le pouvoir, et ce soir, elles en veulent, du pouvoir, et les verres se vident de plus en plus vite. Mains vissées sur les hanches, elle décide de pratiquer sa démarche de pute jusqu’à eux, une danse balbutiante qui a au moins le mérite de faire hurler de rire Kimmie. Arrivée à leur niveau, elle les trouve laids et vieux, et même l’alcool n’y fait rien, mais peu importe : elle fait ça pour l’argent, pour le pouvoir, 5 dollars pour les sucer, 15 dollars pour baiser, comptez vos billets.
12 janvier 2021
Jeanne Dielman II
C’est un café, juste un modeste petit café, situé au bas du quai du commerce. Les panneaux de bois massif qui tapissent les murs étouffent toute la lumière, même les jours de beau temps, mais elle y a ses habitudes, voyez-vous. Elle s’y arrête volontiers lorsqu’elle remonte ses commissions jusqu’à son appartement. Pas exactement tous les jours, non, seulement si elle peut se le permettre, si elle n’a qu’à réchauffer le repas de ce soir, si elle n’est pas trop en retard sur ses ouvrages. Elle aime s’installer à la première table, juste à côté de l’entrée, car elle ne s’attarde pas. Elle aime occuper toute la banquette, car elle est habituée à la solitude. Elle n’a pas besoin de commander, Gisèle sait que pour Jeanne, ça sera un café au lait, avec deux sucres. Elle défait son foulard et lisse les plis de la soie avec son pouce, un merci poli pour la serveuse – elle l’aime bien, Gisèle, toujours soignée, toujours prompte à la servir, jamais bavarde. Elle aime penser que ce petit café du milieu d’après-midi est son moment privilégié, ses trois minutes trente de pause, de plaisir et de paresse. Elle essuie une gouttelette de lait du bout de son index et laisse son regard se perdre dans le vide, en tournant la cuillère dans la tasse, s’inquiète un peu, pour sa sœur, pour son fils, et il est déjà l’heure de rentrer. Soupir. Elle compte ses petites pièces, un petit quelque chose pour Gisèle, et termine de boutonner son manteau de pluie en quittant le café. Les talons pressés de Jeanne résonnent sur les pavés du quai du commerce.
10 janvier 2021
9 janvier 2021
8 janvier 2021
collection, nom féminin IV
réunion d’objets (notamment d’objets précieux, intéressants)
le réveil d’iris, un cadeau de la mer, une miette de noël, quelques gouttes des marolles, une échappée, un bouquet ridé de mamie
7 janvier 2021
5 janvier 2021
3 janvier 2021
2 janvier 2021
28 décembre 2020
27 décembre 2020
26 décembre 2020
j’ai fait une playlist pour les enfants de l’hiver amoureuxses
chet baker/my ideal
soko/blasphémie
the poppy family/you took my moonlight away
cranes/watersong
caroline polachek/ocean of tears
molly nilson/i hope you die
24 décembre 2020
20 décembre 2020
19 décembre 2020
un autre morceau de journal
écrire tenir un journal
une sortie de route qui n’en finit pas, j’égare mon cabriolet dans le bois noir
lessivée est un mot qui me va bien
vingt et une heure vibrent – avaler cette petite bille, démarrer le programme
quelques mots c’est déjà bien, je me dis, je ferai mieux demain, je me dis
18 décembre 2020
15 décembre 2020
14 décembre 2020
13 décembre 2020
11 décembre 2020
10 décembre 2020
3 décembre 2020
2 décembre 2020
30 novembre 2020
26 novembre 2020
25 novembre 2020
24 novembre 2020
désappartenir
(I) En devenant étudiante j’ai perdu mon nom. On nous dit, « vous connaissez tous… », « vous avez tous entendu parler de… ». Au début non. Et puis au bout de quelques années, on rit parce que ton père pensait que le Palais de Tokyo se trouvait à Tokyo. On a appris trop vite la langue de l’école. Je dis « pomme » pour parler de la touche contrôle, alors que je n’ai pas les moyens de m’acheter un mac. Mes parents ne comprennent plus que 50% de ce que je dis. Il a plus que 5 typographies existantes. J’étais déjà aller à Paris, en 2010, pour voir la Tour Eiffel. (II) En marchant dans la ville j’ai perdu mon prénom. Les gens sont tous inconnus, ils ne se disent pas bonjour, ni dans la rue, ni dans les commerces, ni sous l’arrêt de bus, ni dans le métro, ni dans les salles d’attente. Mon grand-père me dit, c’est dans la foule qu’on se sent le plus seul, quelque chose comme ça, il faisait sûrement référence à un truc connu que je ne connais pas. Il utilise aussi fréquemment l’expression « de ville » pour parler de ce qu’il trouve chic et approprié, des habits « de ville », des chaussures « de ville », vous savez cette paire en cuir, qui sort du placard pour les mariages, et les enterrements. C’est un concept erroné. En ville, les gens porte des chaussures conçues pour courir ou faire de l’alpinisme. Tu appels ton grand sac de randonnée, le « sac de courses »: on part en bivouac au centre commercial, pendant que les employés communaux ramassent les feuilles mortes pour les mettre à la poubelle. Les premiers pas dans la ville c’est la liberté, on peut aller à la poste en pyjama, tout le monde s’en fiche, ou peut-être que personne ne nous voit tout simplement. On peut se perdre, tomber, répandre ses courses sur le trottoir, pleurer dans la rue, personne ne nous voit. On peut se faire insulter, suivre, coincer contre un mur, personne ne nous voit.
encore les arcades
l’obscurité collante de sucre et la BO du première étage se superposent aux mèches bleues de l’actrice