Errances

17 février 2021

ici et nulle part à la fois

Filed under: musardises — Étiquettes : — errant @ 19:32

Je m’approche et m’assoit à côté d’elle sur le canapé. Le tissus vert est usé et taché.
Ses mains ridées décortiquent méthodiquement une clémentine. Elle en a deux autres posées sur un torchon sur ses genoux. La peau et les filaments entassés en un petit tas bien propre. J’attrape une des clémentines et me met à l’éplucher.
Je sais qu’elle ne me parlera sûrement pas. Elle ne parle quasiment plus maintenant. Son regard est fixé sur ce qu’elle fait, ses doigts bougeant avec rapidité et aisance.
Elle ne sait plus qui je suis. Elle ne sait plus non plus qui elle est. Elle a finit d’éplucher sa clémentine, je suis à peine à la moitié de la mienne. Je suis fascinée, ce corps qui se souvient encore de tout malgré l’absence de l’esprit.

Il fait encore chaud pour la saison. On a laissé les fenêtres ouvertes. Des pies se chamaillent dans le cerisier devant le bâtiment. Je relève les yeux pour les observer. Petits points noirs et blancs dans le feuillage.

« Elles sont toujours persuadées que leur vie est une illusion, la réalité un rêve. »

Je tourne la tête au son de sa voix. Elle observe les pies elle aussi. Ses mains se sont arrêtées. Elle prend ma main et la serre doucement entre les siennes. Elle me sourit. Le vent fait danser ses cheveux blancs autour de son visage. Je lui sourit moi aussi.
Et le temps de quelques minutes nous restons là, nos doigts entrelacés, et regardons le ballet des pies dans l’arbre. Bercées par l’odeur acidulée des agrumes.

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