Errances

8 avril 2021

8 rue la fayette

Filed under: musardises — Étiquettes : , — errant @ 18:55

Midi. Chacune installées d’un côté de la table devant nos assiettes. Je n’ai plus l’habitude de manger si solennellement avec quelqu’un. Elle me dit qu’elle va vendre l’ancienne maison. De toute façon on n’y vit plus. Elle est sûre de ne pas vouloir y retourner. Je lui dit que je comprend. Je triture les morceaux de céleri dans mon assiette. J’en ai trop mis et ça a pris le pas sur le reste. L’annonce me laisse une gêne que je ne sais pas vraiment décrire. Ce sera la séparation définitive avec ma maison d’enfance.
Je fini de manger. On parle des prochains semis pour le jardin.
Je commence à faire la vaisselle. Le malaise ne part pas. Cette impression que quelque chose m’échappe. Tout à l’heure je lui ai dit qu’elle devrait essayer dans tirer le meilleur prix. La maison est assez bien placée et originale. Je détesterai vendre mon passé au rabais. Le riz a collé dans le fond de la casserole. Je suis troublée par la disparition de mes points fixes. La fin d’un quotidien aux murs réconfortants. Un mouvement forcé vers l’inconnu. Cette maison d’enfance beaucoup plus tangible que tout ce que je construis depuis ces trois dernières années.
L’égouttoir est trop petit. Je mets les casseroles à sécher sur un torchon.
Je pense que mon inconfort réside là. Dans mon incapacité à me sentir vraiment chez moi nulle part. Même mes rêves me ramènent vers des maisons aux portes fermées. C’est comme les meubles entassés dans le hangar. Leur vue m’incommode toujours. Ils appartiennent à une enveloppe disparue mais dont je peux encore tracer les contours. Je passe rapidement un coup d’éponge sur la table. Les miettes collent au côté jaune. Mes souvenirs vivent dans des fantômes et je crains qu’ils n’en deviennent.

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