Je me souviendrais de cet appel d’hier et de la voix douce d’E* au bout du téléphone « on vient d’apprendre son décès ». A*, tu avais la vie devant toi.
Je m’en souviendrais comme je me souviens du 13 avril 2011, précisément, quand m* m’a appelé disant « il* en train de partir », alors que j’étais seule à la maison.
Comme je me souviendrais d’octobre 2012, quand à la sortie du collège, elle m’attendait pour me dire « elle* est partie ce matin ».
Comme de ce jour d’été, à l’hôpital, où elle a reçu ce texto et m’a dit sanglotante « c’est e*, c’est fini… ». J’étais alitée, sans force pur réagir à la nouvelle.
Je n’avais pas de forces, non plus, quand j’ai compris, en 2019, que S*, 100ème féminicide, était cette camarade de lycée.
Quand quelques semaines après j’ai reçu ce texto J* « on vient d’apprendre que m* est décédée ».
Pourquoi se souvient-on en détail de ces moments, de ces quelques secondes qui brisent tant de choses?
C’est fini.
Persiste la faiblesse, la douleur de ces nouvelles.
Dans ma mémoire, les images des cérémonies sont encore claires, jusqu’au chants entonnés. Parfois, les images des gens s’effacent.
Je voudrais tout oublier, et ne garder que vos regards encore vifs.
Avant-hier, je faisais ces dessins les larmes aux yeux, comme en présage de cette nouvelle, et de mon impossibilité de détourner le regard de nos souvenirs et des photographies qu’il me reste.

pour se lancer dans cette nouvelle année
je ne promets pas que je n’errerais plus jamais ici
mais je promets que j’essaye de me retrouver


J'ai failli faire tomber mon téléphone du blacon
pour cette photo de cette pancarte faite à l'arrache avec les moyens du bord
Corps confiné, esprit révolté, toujours!


Mme de Lafayette – La Princesse de Clèves
aujourd’hui je laisse la parole à ma sœur,
circassienne confinée mais pas résignée

c’est chouette j’ai retrouvé l’énergie de dessiner un peu
par contre j’arrive à rien dessiner d’autre que des maisons… on s’adapte
tentative d’apaisement

Je suis sortie vérifier.
Les couchers de soleil existent toujours.

souvenir de la dolce vita, pour vous sortir la tête de vos petits appartements
septembre 2017

désolé j’arrive pas à dessiner alors je fouille les archives
décembre 2017

Il m’a dit « j’en ai vraiment envie ».
Il parlait d’une partie de scrabble.
« Vous parlez beaucoup de solitude… »
C’est à peu près tout ce qu’elle a dit.
Moi, j’ai parlé pendant une heure.
Un presque-monologue d’une heure.
Est-ce que dans un monologue, on ressent la solitude?
que j’ai pas dessiné
bon
où est l’énergie
pff