Errances

12 février 2023

Mandragora, jour 3

Filed under: ramblings,- latige111 — latige111 @ 12:22

La lecture du livre m’a vidé de toute énergie et la nuit nous ayant recouvert d’une chape de charbon, mon compagnon me porte désormais sur son épaule. Il entonne des chants dans une langue rocailleuse. Je me surprend à me laisser bercer par ces sons d’un autre monde et plonge dans une étrange torpeur. Quand j’étire mes pétales, la forêt est déjà loin derrière l’horizon et devant nous s’étend une immense pleine parsemée d’alignements de pierres grises. Un soleil orange se lève au fond et dessous scintille une vaste étendue d’eau émeraude. La lumière s’étire et devient jaune puis blanche comme si le temps s’accélérait d’un coup. Sûrement le fruit du déséquilibre. Le géant me dit que cet endroit est mythique dans son pays, on le nomme Carnac. Mes feuilles se gonflent d’énergie et tandis que le géant doré m’attrape par le pot, je vois une troupe de petites créatures biscornues qui dansent en ronde autour d’un des monolithes. Encouragé d’un pouce en l’air par mon compagnon qui préfère rester en retrait, je m’approche discrètement d’elleux et perçois des gloussement aigus. Iels font un peu peur avec leur nez tordus leurs pieds griffus et leurs haillons chiffons, mais semblent bien s’amuser dans leur ronde effrénée. J’ai tiré des leçons de ma rencontre avec le jardinier doré et je décide de ne pas les juger au style. Je vais donc timidement à leur rencontre et je m’entends dire salut j’enquête sur le Dérèglement et je me demandais pourquoi vous dansiez là, autour de cette pierre là, qui est très jolie mais pas plus que les autre donc pourquoi pas celle là où celle là ? Les créatures s’arrêtent brutalement et me lancent des regards comme des flèches. Iels marmonnent des paroles dans la même langue rocailleuse que celle de mon compagnon puis elles s’évaporent. Je me tourne dans tous les sens dans l’espoir de les apercevoir une dernière fois et je les retrouve effectivement plus loin, en train de grimper sur mon jardinier, et de lui arracher des pans de son armure cirée. Mon noyau se sert mais je sais que je ne ferai pas le poids contre ces êtres fourbes et griffus. Je l’encourage d’un pouce en l’air et me concentre sur le monolithe. Le soleil est déjà passé de l’autre côte, le temps presse avant que mon corps ne se mette encore en somnolence. J’essaye de trouver une faille, une serrure, une poignée, quelque chose mais rien. Le soleil atteint la ligne d’horizon, et soudain, des gravures apparaissent en surbrillances à la surface de la roche. Je retrouve le même système de cases, de dessins et de textes que dans le livre bleu. J’y découvre une silhouette sombre et écrasante, qui me brûle la rétine rien que de l’effleurer du regard. Elle s’empare d’un objet circulaire, le même que dans le livre de l’arbre cube et tout autour devient chaos et tremblotements. D’autres personnages entrent en scène, au allures très différentes les un.es des autres. L’une d’entre elleux me ressemble étrangement. Un semble étrangement pencher vers la gauche. Toustes convergent vers un petit sommet où iels ouvrent une sorte de faille, trou noir dans ce paysage tout en nuances de beige, brun et roux. La silhouette menaçante est jetée par je ne sais quel force dans ce trou et le passage refermé. Puis l’image disparaît, il fait nuit. Je suis à nouveau immobilisée, mais cette fois sans mon camarade musclé. Il me manque ce frimeur, j’espère qu’il s’en sortira. Je rumine cette fable. Quelque chose m’échappe. Je ne comprends même rien du tout. Mes questionnements entonnent une ronde effrénée autour du monolithe et tandis que je me laisse tomber peu à peu dans la même torpeur que la nuit précédente, le chant de mon compagnon doré résonne dans mon esprit et deux mots aux consonances mystérieuses s’imposent à moi : Yeun Ellez.

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