Errances

15 juin 2016

Avoir 2 oreillers et n’en utiliser qu’un.

Filed under: corridors,sillons — Étiquettes : , — errant @ 23:32

Charles est dans le bus portant le numéro 59. La tête contre la vitre Charles regarde défilé Paris.
La journée a été longue, les yeux rivés vers le sol, Charles regarde la délimitation étroite entre le trottoir et le bitume. L’arrêt est demandé pour Stalingrad. Charles se redresse, et annonce à l’octogénaire assise à coté de lui qu’il descend au prochain arrêt.
Monique sursaute, reprend son sac en cuir rigide qu’elle avait solidement posé sur ses genoux.
Monique rapproche son sachet en plastique de couleur vert dans lequel elle trimballe 2 poireaux, 1 concombre, une motte de 250 grammes de beurre salé et une liste de course sur laquelle ces 4 articles y sont inscrit.
Monique espère ne rien avoir oublié.
À l’aide de sa main droite Monique s’accroche fermement à la barre, comme on amarre un bateau au ponton et s’extirpe tant bien que mal de la place duo qu’elle occupait.
Charles se lève, enfile son sac à dos, passe sa main dans ses cheveux et passe devant Monique qui tangue de droite à gauche dans l’allée centrale du bus.
Monique baragouine des paroles inaudibles, sauf peut être pour elle même.
Monique fait face à la tempête dont elle est maintenant victime.
Monique redoutait ce moment fatale où à défaut d’avoir la place contre la vitre, il faut se lever pour laisser sortir son voisin.
Monique maudit celui qui a conçu le bus 59.
Monique maudit aussi Charles qui décide de sortir à Stalingrad.
Mais Monique resiste, ses doigts robustement serrés autour de la barre, le bras tendu et le corps droit.
Monique lutte mais ne sombre pas, pas maintenant.
Monique ne lâche rien, droite comme un I dans ses nouvelles chaussures à semelles orthopédiques.
Le brushing impeccable Monique brave la tempête, le vent et les nids de poules.
Monique fixe, concentrée la bague en or qui encercle son majeur.
La bague lustrée au Miror brille comme un phare en plein milieu d’une mer agitée.
La bague guide Monique.
Monique louche sur la bague.
Le bus s’arrête à Stalingrad.
Les portes s’ouvrent.
Il pleut.
Charles remercie Monique et le chauffeur.

Charles était beau.
Monique était vieille et elle n’aimait pas le bateau.

Nombre de mots: 356

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