Errances

9 mars 2022

Lappy Melffy

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Jour 3 : Le carrosse citrouille

Je suis toujours en retard, le carrosse potiron ne passe que tous les deux jours !

Il fait tellement froid dans cette région, j’ai encore trop dormi. Je l’ai loupé il y a déjà deux jours si je le loupe encore une fois c’est la catastrophe. Je vais mourir gelé ici. Je cours dans la neige jusqu’à l’arrêt de carrosse. À l’instant où je pose mes pattes sur le banc d’arrêt, le carrosse apparaît. Je regarde la forme et m’exclame :

– Putain mais ce n’est pas le carrosse potiron, c’est le citrouille ! 

Le conducteur me regarde exaspéré et dit :

– Vous montez ou pas?»

Après quelques secondes de réflexion, j’en conclus que je n’ai pas le choix. Il faut qu’absolument que je quitte le nord pour aller plus au sud. C’est là-bas que se trouvent tous mes amis duveteux. J’accepte et je monte à l’intérieur. Sont assis sur la même banquette une minuscule vieille dame et une très grande jeune femme. La grande n’ose pas me regarder et cache ses pieds sous sa longue robe tandis que la petite me défit du regard. En m’asseyant un timide «Bonjour» sort de ma bouche. Je ne reçois aucune réponse. Le carrosse se met en route. Je lance la conversation :

– Vous aussi vous allez vers le sud? 

Pas de réponse.

– Moi je me rends dans le sud car je ne supporte plus ce climat et les monstres ‘nordiques’ me font si peur!

Toujours pas de réponse. 

Je tente une dernière approche: 

-C’est une très belle robe que vous avez ! C’est de la soie ?

Ma patte s’approchant un peu trop du tissu, la vieille dame hurle :

– Pas touche !

– Oh pardon je ne voulais pas.

Un silence immense s’installe dans l’habitacle.

– Je ne voulais vraiment pas vous offenser madame!

– Ce n’est rien, dit la grande dame d’une voix tremblante.

Elle se rassit au fond de son siège le regard inquiet, et j’aperçus le bout de ses chaussures. Elles étaient vertes, mais un vert bien particulier, un vert qu’on n’oublie pas.

À ce moment-là, je compris. Quelques semaines plus tôt, j’avais lu dans la presse jaune que la princesse du château dorée de Stromberg avait disparu pendant le bal et elle portait des chaussures vertes. Mon regard remonte aux visages des deux femmes et s’ensuit une bataille avec nos yeux. J’ose prononcer à la jeune femme :

– On vous a kidnappé madame ?

-Non, répondit elle en secouant très fort la tête.

Elle n’a même pas fini de me répondre que la vieille dame se jette sur moi. J’essaye de me défendre mais malgré sa petite taille je ne fais pas le poids. Avec tous ce bruit le carrosse s’arrête, le conducteur tape sur la paroi et dit : 

– Tout va bien là-dedans ?

La vieille fait signe à la jeune de répondre pendant qu’elle me bâillonne. Un «Oui» qui veut dire le contraire s’extirpe de ses fines lèvres. Un silence. Le carrosse ne repart pas. La vieille souffle. Le carrosse saute sur le côté. On entend des bruits de pas. Un silence. La porte s’ouvre en grinçant. On le regarde et tout à coup la vieille se lance avec dague sur le conducteur. Pris d’un élan de courage j’essaye de l’aider lui qui ne semble pas armé. C’est alors qu’il sort une épais immense et se défend. Où la cachait-il ? Je deviens impuissant devant le combat. Le conducteur arrive à désarmer la vieille dame, elle commence à se battre à mains nues et monte sur son dos, sort une dague et lui tranche la gorge. Un gémissement strident reste bloqué par le tissu accroché à ma truffe. Soudain, je reçois un coup derrière la tête et c’est le noir.

 

Jour 4 : Porte Bloqueur

 

Au petit matin, je me dis que l’habit ne fait vraiment pas le moine. Le sang ruisselle encore de la dague de la vieille dame. Cette dague qui avait transpercé, quelques heures plus tôt, la gorge du conducteur de carrosse pas très aimable. Elle l’avait ensuite jeté sur le bord de la route enroulé dans les rideaux de la fenêtre du véhicule. Le conducteur doit être en charpie, à l’heure qu’il est. La limitation de vitesse des carrosses est au galop sur les longues routes. C’était sûrement mon dernier jour vivant et ce rêve de trouver des amis n’était peut-être qu’un stupide caprice. La vieille dame remonte dans le carrosse ses affaires enfin nettoyées. Elle ne m’avait même pas ligoté ou attaché seulement bâillonner pour que je me taise. Elle retire le tissu de ma truffe, et directement je lui hurle :

– Allez-y ! Tuez-moi ! Personne ne me pleurera,  je n’ai pas de famille et encore moins d’amis ! Sûrement comme ce monsieur, il n’était pas aimable je vous l’accorde, mais méritait-il de mourir ?

– Oui il le méritait. Toi je ne sais pas encore. 

Elle se tourne vers son acolyte :

-Donne moi le bloqueur !

-Est-ce vraiment nécessaire Tantine ?

– Tais-toi et donne le moi !

Elle s’exécute et sort de son baluchon une boîte bleu nuit, orné d’or avec un oeil rouge sur le centre :

– Voici le Porte Bloqueur, si tu arrives à en sortir je te laisse la vie sauve.

Je tourne la tête et n’ose même pas regarder l’objet tellement je suis terrifié et dis:

– Non non, ce n’est pas la peine, tuez-moi, je sais que je n’arriverais pas à sortir de ce truc bloqueur.

– Mais merde alors, s’exclame elle, on est tombé sur le plus con des voyageurs ma parole, c’est pas possible. Ce n’est pas une proposition je ne te laisse pas le choix mon lapin.

À ces mots, elle prend ma tête , la tourne vers la boîte, me fait regarder l’oeil et prononce «Porte ouvres toi». Soudain mon esprit s’échappe de mon corps, il m’est impossible de bouger ni de parler. Je me retrouve dans le noir encore une fois. Mais cette fois-ci c’est une pièce noire. Une lumière arrive petit à petit pour éclairer l’espace. Une odeur se glisse dans mon nez. Cette odeur je la reconnais. Je suis dans ma chambre d’enfance dans le terrier de mes parents. Les meubles, les objets, les posters, les écritures sur le papier pains, la poussière rien n’a bougé. C’est impossible. Notre terrier a été détruit il y a des années et mes parents assassinés par nos envahisseurs. Une grosse voix retentit dans la pièce :

– Bonjour Lappy Melffy. Bienvenue dans ton palais mental. Ce souvenir est le reflet de ta plus grande peur, celle qui te bloque pour avancer dans ta quête. À partir de maintenant et tous les instants qui vont suivre tu vas devoir te battre contre elle car pour sortir d’ici tu n’as qu’une seule chose à faire c’est tuer tes parents.

En prononçant ces mots, mes parents entrent dans la chambre, ils sont là, face à moi, ils parlent et rigolent. Je ne peux pas entendre ce qu’ils disent, je ne peux pas répondre, ni bouger face à eux. La voix ajoute : 

– Lorsque tu seras prêt tu le sauras. Tu pourras rebouger et accomplir ta mission. À bientôt, je l’espère.

Je suis là impuissant encore une fois, à regarder ce qui se passe sans pouvoir agir. Je ne sais pas combien de temps passe, des minutes, des heures, peut-être des jours, même des semaines. Je ne peux rien faire. J’essaye de me convaincre qu’ils sont déjà morts que si je les tue c’est pour de faux. Mais rien n’y fait. Ils ne me regardent même pas c’est comme si je n’existais pas à leurs yeux. L’odeur devient de plus en plus nauséabonde et c’est insoutenable. Une odeur pourrissante, une odeur de cadavre, une odeur de mort.

Je vais me laisser mourir ici au moins nous serons réunis. À cette pensée, j’aperçois une larme coulée sur la joue de Maman, je regarde Papa, ses yeux sont remplis d’eau. Non ! Je ne peux pas rester ici ! Ils n’auraient pas voulu ça pour moi. Ils ne m’auraient pas caché dans le sous-plafond ce fameux jour pour que je meurs bloqué dans cette boîte. Je dois revenir au sud. Je dois retrouver mon village et ses survivants. Je dois retrouver mes amis. Je dois accomplir ma mission !

Tout à coup, je peux bouger. La dague de la vieille dame apparaît devant mes pattes. Je la ramasse. Je m’avance devant eux, on se regarde :

– Pardon, je vous aime.

– Nous aussi on t’aime mon ange, réponds Papa.

Maman acquiesce et me fait signe de le faire. Je les prends dans mes bras, poignarde Maman en premier puis Papa. Ils disparaissent en une étrange fumée et la dague aussi. Je m’écroule au sol. La grosse voix me félicite. Tout redevient noir.

 

Jour 5 : Stèle des protecteurs du tombeau

Quand je me réveille, le carrosse roule. La jeune femme est assise en face de moi, elle me regarde soulagée : 

– Restez couché, vous devez être épuisé.

– Combien de temps suis-je resté dans cette boîte ?

– Une journée.

– Seulement !?

Je m’assois. 

– Non, s’écrit-elle, recouchez-vous, il faut vous ménager. Nous n’allons rien vous faire à présent. 

J’ignore son conseil.

– Que faites-vous avec cette femme ?

– C’est ma bonne fée. Elle ne m’a pas kidnappé, elle m’a au contraire sauvé ! La horde du Renoncé voulait me tuer, car j’ai apparemment obtenu le don de déchiffrer la stèle qui explique comment le vaincre.

– Vraiment ? 

– Oui nous nous rendons au champ de pierres millénaires. Si vous le souhaitez, nous pouvons vous déposer avant mais je crains que nous arrivions très bientôt!

Effectivement, le carrosse se stoppe, la vieille dame tape sur le toit et crit :  

– Nous sommes arrivés, il est réveillé le lapinou ?

Elle ouvre la porte : 

-Bonjour mon lapinou et mes félicitations!

En sortant, je découvre un champ de fleurs immense, l’aurore brillait de mille éclats sur les pierres blanches. Avec un peu de recul elles étaient installé de telle sorte qu’elles formaient une étoile à sept rayons. La vieille se lance sur le chemin et nous la suivons. Elle arrive au centre de l’étoile où se trouve la plus grande stèle.

– Voilà mon enfant, à toi de jouer !

La jeune femme se place devant la stèle, expire un grand coup en fermant les yeux et lève la tête vers la pierre, ouvre les yeux : 

-Alors…, chuchote-t-elle.

Un silence. Elle plisse les yeux. 

– Alors ? dit la vieille.

– Je ne comprends rien Tantine.

– Quoi ?!? Comment ça ?

– Je ne vois aucune écriture, rien.

– Mais vous n’avez qu’à simplement les réécrire, ajoutais-je.

Les deux se tournent vers moi.

– Mais elle ne les voit pas idiot!

– Je les vois moi les symboles, il y a comme un croissant de lune juste ici, dis-je en tendant la patte.

Elles écarquillent les yeux la bouche bée. 

– C’est une blague ! hurla la jeune femme. On a essayé de me tuer pour rien alors !!! 

– Vas-y mon lapin, ajoute la vieille en me poussant devant la stèle, dit nous ce qu’il y a écrit.

– Ce ne sont que des symboles. Il n’y a pas d’écritures lisibles. Ça ressemble à un rebu.

– Qu’est ce que c’est que cette connerie encore! s’exclama la vieille. 

– Le premier est un dé, le deuxième est B, le troisième est de la rouille, le quatrième une haie et le cinquième  est le pronom personnel entre nous et iels.

-DÉ-B-ROUILL-EZ-VOUS !!! Aboyent les deux femmes.

– Non je déconne, dis-je, alors il y a noté «Au commencement iels étaient sept. Nos piliers pour un monde paisible où la peur n’avait plus sa place.» Bla-bla-bla. Ah voilà ! «Il vous faudra réunir les sept gardiens pour vaincre le Renoncé!»

– C’est tout ? Mais on ne sait pas qui sont ses gardiens !

– «À l’aide de ce plan vous trouverez une note enterrée vous renseignant sur les six autres gardiens.  Quiconque arrivera à lire cette stèle sera le septième gardien. Bonne chance !»

– Oh putain c’est un des gardiens en plus, s’effondra la jeune.

– On n’est pas sorti de l’auberge, lança l’autre, bon et bien plus qu’à se mettre au boulot. Allons déterrer cette note !

 

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