Errances

14 janvier 2021

Minnie Goetze

Filed under: musardises — Étiquettes : — errant @ 13:21

Elle s’élève, tournoie, tangue, elle se liquéfie, se noie, elle danse encore, et boit encore, paupières lourdes, les basses lui font un effet effervescent dans le fond des oreilles, sa poitrine veut s’envoler, mais ses pieds collent au sol. Elle ne sait plus vraiment quand la soirée s’est terminée, ni pourquoi elles ont décidé de venir s’échouer dans ce bar du quartier avant de rentrer. La musique n’est pas terrible, l’ambiance non plus, la clientèle léthargique lui fait craindre l’ennui. Elle regarde Kimmie et voit bien qu’elles font tâches dans ce décors, trop jeunes, trop alcoolisées, trop apprêtées, dans cette pièce à l’odeur de sueur d’homme, leurs voix volent trop haut au dessus du brouhaha, leurs corps luisent trop dans les néons. Pourtant elles rient, elles rient et les choses semblent tellement plus simples ce soir, elles sont libres, fini l’enfance, Kimmie lui a peint les paupières en bleu électrique, elle lui a dessiné un épais trait de liner noir le long des cils, elle est méconnaissable, presque séduisante, au moins désirable. Le regard des hommes depuis l’autre côté du bar est peut-être dégueulasse mais il n’en est pas moins drôle, elle demande à Kimmie, tu crois qu’ils pensent qu’on est des putes ? Kimmie pense que les putes détiennent le pouvoir, et ce soir, elles en veulent, du pouvoir, et les verres se vident de plus en plus vite. Mains vissées sur les hanches, elle décide de pratiquer sa démarche de pute jusqu’à eux, une danse balbutiante qui a au moins le mérite de faire hurler de rire Kimmie. Arrivée à leur niveau, elle les trouve laids et vieux, et même l’alcool n’y fait rien, mais peu importe : elle fait ça pour l’argent, pour le pouvoir, 5 dollars pour les sucer, 15 dollars pour baiser, comptez vos billets.

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