arracher: détacher avec effort (une chose qui tient ou adhère)
réécrire le récit de départ
qui nous a fait croire
qu’on venait d’une terre sans histoire
une terre qu’on pouvait délaisser
qu’on pouvait oublier
à mes 26 ans
réécrire le récit de départ
qui nous a fait croire
qu’on venait d’une terre sans histoire
une terre qu’on pouvait délaisser
qu’on pouvait oublier
à mes 26 ans
celui qui mange à la pizzeria de carrefour
avec son copain flic et son pote garagiste
celui qui casse la croute à 10h00
celui qui écoute Nostalgie et RTL
celui qui cause gallo
celui qui dit tu m’emmerdes
celui qui dit tu fais bien comme tu veux
mon père
dsl pour mes infidélités mais j’avais peur que tu saches que je suis vraiment un beauf
je suis pas le plus beauf des beauf mais j’ai un peu le cul terreux quoi
mon père est un petit artisan donc il est indépendant
il est assez connu dans le village parce qu’il a repris l’activité de mon grand père
pourtant c’est quand même un peu un beauf mais c’est un beauf un peu stylé
c’est pour ça que j’ai pu partir de là ou j’ai grandi
chloé : employée de grande surface, mère institutrice en école primaire
charlène : surveillante dans un collège, mère aide à domicile
fanny : infirmière, mère cuisinière en école primaire, père menuisier
audrey : institutrice en école primaire, père agriculteur, mère secrétaire
pauline : employée en ressources humaines, parents agriculteurs
moi : étudiant.e, mère employée de magasin, père scieur
un cri, un chant venu de la terre
un hommage à l’échange, aux désirs de transmissions
des savoirs analphabètes snobés par l’instruction
une ode à la vie, un hymne à la terre
aux futurs de nos enfants, à la mémoire de nos grands mères
il n’y a plus de transmission intergénérationnelle parce que pour les nouvelles générations c’est une langue associée à un milieu en déclin
c’est surtout l’État qui associé au gallo et aux autres langues régionales une image négative qui a ensuite été retransmise par les gens elleux-même
bigâille : petite monnaie, piécettes
benéze : content, joyeux
la riboul: la fête
un.e grande goule: qqn qui n’a pas sa langue dans sa poche
zieuter : regarder
j’ fès le tour de l’ôtë
j’ frome les couézées
j’crouille l’us
yune, deûz, trouéz
bone netée! Chhiit!
un ptit bonome sieutë su ene pome
la pome chet a bas
le ptit bonome va olmont, olva, olmont, olva
e…chet su un cheva
j’aurais préféré vous parler des arbres. de mes aventures d’enfant au milieu des arbres. des chênes devant ma fenêtre, du grand cerisier derrière la cabane en amiante
l’expérience sensible d’habiter dans un village : chemins, vallées, chiens, arbres, sociabilités avec les enfants, avec les gens du village eux même inscrits dans histoires, héritages, conflits
nous n’appartenons pas à l’avenir, mais au présent ; ça n’est pas affaire de revendications, mais affaire de vie. il s’agit du fait que des êtres libres, moralement forts et maîtres d’eux-mêmes, se séparent des masses pour s’unir dans de nouveaux liens
« lumerya c’est la volonté de croire. avec la croyance, t’es sûr de rien, tu présuppose que quelque chose t’appelle. pourtant ce que je te dis là n’a rien d’évangile. ici, on prétends pas dire la vérité. on te demande pas de croire, simplement d’écouter »
ici c’est aussi un refuge mais il n’y a pas de maison comme sur terra – pas d’enclos, pas de frontière
il est dans l’esprit commun que ce réseau doit rester décentralisé, il ne jamais y avoir de centre de contrôle, ni de capitale, ni de tendance dominante des individus cherchant à devenir des capitaines, des patron.es, des chef.es d’état
ils vivent en groupes sociaux élargis; chaque groupe est en contact fréquent avec d’autres groupes et relié par un réseau de transport et de communication installé à travers des petits sentiers et délimité par un large champ magnétique recouvrant l’ensemble de ce large espace
il te faut plusieurs nuits avec les résident.es de la zone pour comprendre que ta perception du temps semble très éloignée de la leur
sur la colline, en arrivant vers le nord, le brouillard laisse apparaitre une friche industrielle et les ruines d’une ancienne prison pour femmes. plus loin, les vestiges d’un supermarché de village
cet endroit semble abriter la joie, la résistance et particulièrement la vie d’organismes dont tu ignores l’existence
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