Errances

Elle commence par se constituer lentement… pièce après pièce…
Elle s’étale, l’air de rien, tout en longueur, pour ensuite élargir sa base, et assurer son hypothétique élévation.
Peu à peu, je perce son assise, y prélevant les pièces de manière stratégique… Tout d’abord les plus grosses (et plus fragiles), puis les plus petites (plus nombreuses et plus solides).
« Gling-Gling »
Et voilà, je dois baisser ma garde et porter mon attention sur d’autres assaillants: 3 jours, 1 américain jambon, et 2 escalopes-crèmes…
En deux temps, je lui fais de nouveau face (elle a déjà pris de l’assurance, de la hauteur)…
En trois mouvements, je la déstabilise une fois encore et lui retire son premier étage.
_ »Allo! »
Raté, je vais devoir attendre pour la réduire à néant…
Ce sont maintenant:
_ »5 expressos, 1 crème, 2 allongés, 1 thé nature »
qui se mettent en travers de mon passage…
_ »Stop! »
Et c’est reparti…
_ »1 demi, 1 crème, 1 chocolat, 2 kirs bretons et 1 Gascogne sec en T1″ (comprenez 1ère table à droite en terrasse, c’est le lieu de livraison en quelque sorte)…
Je m’y colle, monte la commande, et la sert.
(…)
Et là… c’est le drame…
Elle a profité de mon absence et envahit désormais tout le comptoir… Traîtresse!
Cette fois, plus rien ne peut me détourner de mon objectif: la détruire! (la terrasse est complète, les tasses, verres et assiettes pas encore vidées). C’est le moment d’intervenir et de lancer mon dernier assaut…
Il ne faut pas traîner, le patron semble inquiet lui aussi, et me jette un regard plein de doute.
Le mien, solide et chargé de certitude, semble l’avoir rassuré (le bluff est ma meilleure arme contre lui)!
Le casier en place, je démantèle cette muraille imposante qui coupait le bar du reste de la salle…
« Organisation » est le maître mot. Grosses pièces d’un côté, petites de l’autre!
Je suis lancée… Elle ne me résistera pas!
… Plus que quelques secondes, et je lui fais mordre la poussière!
… 5 cuillères dégagées, encore 2 verres et 3 tasses à caler… On finit par les sous-coupes, 5, 10, 15…
Top! C bon!
Chrono en main: 75 secondes!
« Vedi, Veni, Vici! »
… Casier dans la machine, porte claquée, interrupteur enclenché!
Dernier coup d’oeil de la part de mon patron, approbateur…
C’est dans la poche!
Le mur de vaisselle sale a été abattu, la machine blindée…
Mission accomplie!

salsa

salsa

– Je n’ai pas mis mon nez dehors aujourd’hui !
– Vu le temps il y avait de quoi !
– J’ai ouvert les yeux il pleuvait !
– Temps de chien !
– Temps perdu !
– Pourquoi ?
– Prendre le temps d’observer chaque minute qui passe ! Prendre son temps, et le perdre !
– Hein ?
– Perdre son temps, pour le savourer le jour ou on remettra la main dessus !
– … !

de_l_art_hue

de_l_art_c_est_du_cochon

Ses pantoufles sont énormes,
Mes souliers sont étriqués,
des petites chaussettes roses à collerette,
ce que je pouvais les détester.

Mon manteau ressemble à une tente,
Son chapeau comprime ses tempes,
La douleur d’un point de côté trop bas,
pliée en quatre, je ne parviens pas,
je suis une tulipe d’origami piétinée,
je ne peux plus m’ouvrir, trop écrabouiller.

– Je doute souvent de tout !
– Je crois que c’est propre à chacun !
– Je ne sais pas, mais en tout cas je doute trop !
– Pourquoi tu dis cela ?
– Je sais pas, souvent je me lève ils sont là, je me couche ils m’accompagnent toujours !
– Peut-être la réponse viendra t-elle un jour !
– Quelle réponse ?
– Bah à tes doutes !
– Je ne crois pas ! Le doute est une question qui n’attend pas de réponse !
– … !

On n’avait plus grand-chose à se dire, on s’était quittés, mais avec une drôle d’impression. Comme si on ne s’était pas tout dit.Pas trop à l’aise…

C’est toujours triste un clebs qui vieillit mal, mais passé quinze ans, il faut se faire à l’idée qu’un jour ou l’autre il va mourir.

– J’adore la pluie !
– Pas moi !
– Je trouve ça extraordinaire !
– Pourquoi ?
– Car la nature peux nous faire signe du malaise ambiant !
– Quoi ?
– La pluie n’est que la tristesse du monde mon cher ami ! Et le gris la couleur de son état !
– … !

Un couple et deux cafés crèmes… Comprenez un expresso dans une tasse moyenne, à remplir de lait chaud tout en le faisant mousser, afin de créer un bel effet onctueux… Mais pas pour cette femme qui passe tous les mercredis et s’installe avec son mari dans le fond du café… Non, pour elle c’est un petit noir dans une tasse moyenne, mais avec le lait, froid, dans un récipient à côté… Pour Yvon, ce sera une 1664, un jour, un dessert (le plus souvent une crème brûlée), puis une autre 16 suivant de près un café avalé en cinq minutes…
Pour Gérard, ce sera deux ou trois demis, pour son collègue, ce sera le même nombre de pastis…
Pour la dame blonde de 50 ans qui veut s’en donner 45, ce sera un allongé (un café dilué), sans sucre (elle a ses sucrettes zéro calories dans son sac)… Et lorsqu’elle reste déjeuner (pas avant 12h45), elle ne mange que la moitié de ce qui lui est servi (même si le prix n’est pas divisible)…
Il y a aussi Arnaud; pour lui, jeune et sportif, c’est sans alcool, ni caféine: un coca…
Pour Gérard, c’est un demi servi au bar, avant même qu’il ne le demande, puis un quart de rouge pendant le repas, et on termine sur un expresso…
Pour Delphine, c’est un grand café ,soi un double expresso dans une grande tasse, (la même que pour le thé). Pour ses deux copines, c’est petit chocolat et café crème, avec deux sucres pour rehausser le côté confiserie… Et le samedi, c’est plutôt viennois ou au capuccino, avec croissants et chocolatines, comme un jour de fête…

Vous êtes ce que vous buvez… et j’apprends à vous connaître ainsi.

Pourquoi ca marche pas?

– Je vais pas bien aujourd’hui !
– Ça ne change pas trop de tous les jours !
– Merci, ça fait plaisir !
– Je suis désolé, mais à force j’ai plus grand chose à te dire !
– Partager peut-être !
– Tu est désagréable quand je tente de le faire !
– Car j’aime pas qu’on s’apitoie sur mon sort !
– Tu te fous de moi ? C’est toi qui le demande !
– Je demande rien je dis les choses !
– … !

(…)
Bien sûr, je suis à votre service…
(…)
Aucun soucis, je vais vous expliquer… Alors voilà, dans un premier temps, vous avez: A, B, C, jusqu’à F… Plus ça augmente, plus vous avez de profondeur…
(…)
Ensuite, cela se situe entre 80 à 110 environ, et ce, de 5 en 5…
(…)
Exactement, cela détermine votre tour…
Non, pas celui des hanches…
(…)
Oui, voilà…
Bien sûr, si vous avez un doute… je peux vous accompagner en cabines…

(…) ouvrant le rideau.
Ah oui! Euh… Alors, bon…. Là… Là je sais pas trop…
(…)
Nan, je dirais pas que ça ressemble à des gants de toilettes trompés par la pesanteur… Simplement, je pense que le maintient serait à revoir…
(…)
Quelques réglages… si vous voulez bien vous retourner…… Voilà…. C’est parfait…..
(…)
Non non, pas d’inquiétude… je vous le dirais si ça n’allait pas…
(…)
La taille au-dessous? Je ne suis pas sûre… mais je vais vous la rechercher si vous voulez…
(…)
Euh non… Je ne toucherais pas au bonnet par contre…

(…)
L’autre convenait mieux… nous sommes d’accord…
(…)
Vous le prenez?

(…)
Ah! … C’est la couleur que vous n’aimez pas…

…  » Tout refus de communiquer est une tentative de communication ; tout geste d’indifférence ou d’hostilité est appel déguisé. » …

A. Camus. L’Étranger.