J’étais là, dans la kangoo bleue assis au milieu parce que ça me dérangeais pas.
J’étais là, les yeux rivés sur le paquet de sachets de thé super U saveurs fruits exotiques.
J’étais là, à lutter contre la force qui exerçait une pression sur mes paupières.
J’étais là, pris en sandwich dans une conversation d’étudiants de médecine.
J’étais là, à regarder Carine enclencher les vitesses, revenir directement à la 1 en partant de la 3 sans passer par la 2.
Répugnants conquérants des lieux clos.
Les portes s’entrebâillent et déjà ils emplissent, s’approprient et dénaturent l’espace confiné.
Ils me pressent, m’invitent, m’intiment d’entrer.
Nous voilà trois et le soupir des portes me coupe définitivement toute retraite.
Déchargés du poids de leurs chairs indolentes, ils paradent. Rassurés de notre intimité, ils dévorent l’oxygène. Incapables de tempérance.
Notre proximité fait s’épanouir des sourires lubriques le long de leurs traits.
Les regards impudiques et les paroles concupiscentes expriment leurs intentions et giflent l’air entre nous.
Se tasser. S’affiner. Disparaître. Endurer le calvaire de leur promiscuité sans broncher.
La main se tend.
Le geste se suspend.
Ose. Les pulsations de rage tendent mon corps. Ma fureur transpire.
Acculée, je suis prête à agresser.
Enfin!
Le chuintement salvateur annonce l’apparition de l’issue!
Se faufiler, se précipiter, fuir! Pour enfin se sauver.
Même deux étages trop tôt.
Bestialité mal éduquée, tu aurais hurlé.
A peine arrivée, déjà rejetée.
Les bribes de musique me parviennent. Inaccessible spectacle perceptible.
Privilégiée parmi les rejetés, je m’insinue dans le dos du cerbère et m’installe.
Le palier est mon refuge.
Elle me fixe, hésite, ne sais déterminer si ma présence est tolérée.
L’arrivée inopinée d’un groupe répond, détourne son attention.
Incessante répétition hypnotisante, harassante.
Les retardataires ne cessent d’affluer.
Les phrases ressassées, prêchées et rabâchées ponctuent les notes du fond.
Le piano harmonise et achève de dire à sa place « le pôle musique est complet, revenez dans dix minutes ».
La symphonie s’achève, le spectacle est terminé et la danse s’évanouit.
Les nouveaux participants arriveront d’ici dix minutes.
L’idée c’est que l’homme fasse naître un concept abstrait censer l’aider dans son quotidien, plus largement améliorer sa vie, lui donner un sens. Et paf, élément perturbateur, la possible aide devient une nécessité, le concept devient maître, et l’homme esclave de celui-ci. Sinon vous connaissez Dieu ? Et par la même occasion, vous auriez pas un peu d’monnaie s’vous plaît ? Que j’puisse manger…
avec tout ce carbone dans l’oxygène y vaudrait mieux pas trop respirer.
C’était genre, un samedi matin, en allant imprimer quelque documents. Je tombe sur une petite vieille. Pas extraordinairement soigné, du moins en c’qui concerne son visage, mais aussi ses mains, et plus précisément ses ongles (on m’a toujours dit, « pour savoir si une femme prends soin d’elle regarde ses ongles », j’pense que quelques soit l’age, ça doit marcher). Un pantalon de velours pas franchement claquant, et un petit sac cheap, acheté à moins d’une dizaine d’euros sur un marché je pense. Malgrés ce portrait peu flatteur, il y a quelque chose qui contre-balance tout ca. Une putain de veste de fourrure de qualité, teinte chaude, mais avec un poil de taré, genre le truc qui vaut vraiment la peau des couilles. Légèrement on aperçoit tout d’même un vieux pull en laine bleu. Comme si celle-ci avait eu un espèce de complexe de pauvre pendant toute sa vie. Et qu’avec le temps, les économies s’amassant, elle en aurait profiter pour s’acheter ce magnifique manteau de fourrure, pour pouvoir, elle aussi, paraître socialement au dessus d’la masse. Paraître.
J’ai cherché j’ai pas trouvé.
Un géant et une main chaude, puissante, apaisante. Il sera son remède.
La douleur ne dois plus être une constante du quotidien.
Il est la pour elle, pour lui répondre. Incertaine, elle ne peut pas s’empêcher de le considérer avec surprise.
-Pourra t’il lire en sa chair si peu fiable?
Qu’il fasse ses preuves. Elle est prête, ouverte, complètement offerte. Elle place en lui sa confiance, lui confie ce corps tordu.
Elle attends, lui fait face.
De bonne volonté elle décortique avec minutie les trahisons et faiblesses de ce partenaire si peu fiable.
Si souvent traître. Celui la même qui fait s’effacer le monde.
Celui la même qui empêche les écarts de sa pensée et qui ne la focalise plus que sur une chose.
Cravachée, muselée, piquée au fer… ne reste plus qu’une chose.
Le géant comprends et laisse alors ses mains frotter les rouages si lisibles à ses yeux. La mécanique du corps lui connait, il sait décoincer les pièces et limer les dents récalcitrantes.
Bloquée, manipulée, délivrée. Mouvements limpides, problème mécanique résolu.
La C7 peut aller se faire voir, en attendant la suite.