Errances

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Atosk-2 était officiellement inhabitée. Mais cette planète attirait l’attention de toute la communauté scientifique. Des vaisseaux remplis de chercheurs allaient et venaient chaque année. Pour le CRIP, une chose était sûre, la vie avait foulé cette planète des millions d’années auparavant. Dans leur rapport une catastrophe serait survenue, ne laissant rien sur son passage, sans aucun autre détail.
C’est ce manque de précision illogique comparé aux capacités d’analyse du CRIP qui avait attiré l’attention de ceux qu’on appelait les illuminés d’Iya. Pour la première fois on découvrait une planète qui avait été habitée et pourtant, rien ne sortait des laboratoires. En tout cas officiellement.
Leen Aldo, une scientifique du département de la recherche géologique interplanétaire avait révélé un dossier confidentiel sur plusieurs chercheurs disparus lors d’expéditions sur Atosk-2. Hal Gerig, Erika Marv et Oleg Dromr. Cette information avait été relayée par les médias, un scandale avait éclaté. Leen Aldo avait été révoquée de la communauté scientifique et bannie du CRIP, l’organisation s’était justifiée en évoquant le disfonctionnement de certaines combinaisons dans les conditions extrêmes de la planète. Le dossier était clos. L’affaire s’était terminée si rapidement que tout le monde l’oublia aussi vite. Au même moment, toute l’attention avait été détournée par la nouvelle loi sur les Biobots et la fonction publique. Bluebrain vendait les mérites de ses humanoïdes aux cerveaux synthétiques. Dans l’enseignement, l’accompagnement de personnes en situation de handicap et le personnel médical, il était désormais possible de croiser un Biobot.
L’affaire des disparus d’Atosk-2 était complètement étouffée, on ne parlait plus que de cette nouvelle loi sur l’inclusion progressive de ces nouveaux êtres au cerveau de synthèse.

La manière dont elles stockaient les séquences ADN s’apparenteraient au fonctionnement d’un jeu de donnée. À force de récolter des fragments génétiques trouvés dans la poussière ionique, elles engageraient un processus d’imitation et de variation d’une vie passée. En théorie, leur organisme opérerait toute une classification des informations récoltées avant d’engager une phase d’apprentissage profond leur permettant ensuite d’interpréter et compléter les séquences. Le matériel génétique qui en résulte est complet, les manques sont comblés par génération intuitive. Malheureusement leur intuition n’est jamais parfaite et le résultat s’en voit affecté, c’est ce qui leur donne cette apparence à la fois si étrange et familière.

L’inquiétante étrangeté qui émanait de ces créatures se rapprochait de celle que l’on pouvait ressentir à la vue des premiers robots humanoïdes de Bluebrain-Biotech, à la fois si proche de l’apparence humaine mais encore trop éloignés de celle-ci. Quelque chose manquait, un détail si naturel qu’il était impossible à reproduire, le battement d’un cil, le mouvement singulier d’une lèvre, la manie incontrôlée d’un sourcil… Ce malaise était clairement lié à leur visage synthétique, mais les progrès de Bluebrain en matière de biotechnologie ont su pallier à ce défaut. Aujourd’hui, on ne saurait reconnaître un Humain d’un Biobot car leur chair sont pratiquement identiques en terme de composition. Ces humains de synthèses sont la parfaite symbiose entre vivant et bionique, leur cerveau est artificiel mais leur organisme est presque identique au notre, c’est ce qui fait d’eux des êtres mortels.

Ces montagnes rongées par la radioactivité ressemblaient à de gigantesques tas de terre, un grand désert difforme qui s’élevait au dessus du brouillard ionique. Rien ne pouvait y vivre. En tout cas c’est ce que les rapports du CRIP (le Centre de Recherches Interplanétaire) affirmaient. Des légendes disaient que la vie avait réussi à s’y développer en s’adaptant aux conditions extrêmes d’Atosk-2. Les illuminés du culte de Iya décrivaient ces créatures comme tout aussi laides que leur environnement. Selon eux, elles imitaient la forme d’espèces vivant autrefois sur la planète en se nourrissant de leur vestiges génétiques. En ingérant la poussière, elles y trouvaient des nutriments mais aussi des fragments d’ADN qu’elles stockaient dans leur organisme. Elles s’en servait pour tirer parti des avantages que pouvaient leur apporter ces gènes, et, par la même, prenaient la forme incomplète de créatures du passé. Cela donnait des silhouettes imparfaites qui n’étaient que le reflet biaisé d’un passé révolu. Le souvenir flou d’un rêve devenu un cauchemar sans substance.

La vue de ces créatures réveilleraient des souvenirs enfouies si profondément dans notre instinct qu’elle provoquerait un malaise inimaginable.

*un bus passe*

– Oh regarde il y a un bus en fait !

– Mais non tu vois bien qu’il RENTRE AU DÉPÔT

– Oui bah ta gueule

Fin.

Karibu Ohannès