Errances

M

Pastis, il est un peu con. Il est jaune pipi, et il sent pas très bon. On dira jamais qu’il pue par contre. Faudrait pas vexer la maîtresse qui se dandine au bout de la laisse. Pastis, il grogne tout le temps. Il est plein de haine, mais il a pas de dents.
Il boite des fois. Il va pisser chez les voisins et chier sur les paillassons. À croire qu’il est intelligent. Sa maitresse, elle est pas vraiment vieille. Mais elle fait pas commode avec son chien miteux comme accessoire.
Enfin bon, tous les deux, ils sont heureux comme ça. Moches et cons.

Y’a la terrine aux algues. Et puis celle aux olives. Celle au saumon elle a fini en deux-deux. Y’avait du chocolat aussi, le meilleur de ce que j’ai pu manger. Du mousseux rosé. Ça, ça fait vraiment fille, alors on l’a bu a une soirée de fillasse. À deux. Y’a du shampooing, du gel douche, du lait de corps, du parfum et une éponge pour se gratter. Le tout à la mûre. Y’a un truc pour le bain aussi, mais ça j’ai vu ça plus tard.
Un fauteuil de ministre que j’utilise pas encore vraiment. C’est pas qu’il est confortable. C’est que je veux pas travailler. Y’a un bonnet, qui fait une tête mignonne, parce qu’en fait, il ressemble à un nounours. Des DVD du Palmashow, pour rigoler dans mon fauteuil de ministre. Et y’a aussi un CD de Disney, pour refaire des soirées de fillasse avec du mousseux rosé.

Je viens de me rendre compte que j’ai oublié hier.

Je voudrais être dans ma petite boite. Celle où je ne tiens qu’accroupis, en boule sur moi-même, en équilibre. Dans ma petite boite je ne pourrais me reposer que si je suis couchée. Là, en position foetale, comme s’il n’y avait plus que moi.
Je refermerai les bords, et je serais dans le noir. Je serais seule, dans ma boite. Je ne laisserai personne entrer. Il n’y aura que moi et ce monstre. Ce monstre en moi qui reste là. Je suis sa boite. Mais il n’a pas de bords à refermer. Encore moins à ouvrir. Il s’est enfermé là, dans sa boite. Dans moi. Je crois qu’avec le temps, on s’aime bien. Mon monstre et moi. Il ne fait pas grand chose, il roupille plus qu’il n’est méchant. Mais il est pesant. C’est lourd un monstre qui se nourrit de vous depuis quelques années.
Je suis un peu pareil, moi, dans cette boite. Je suis un peu coincée. Je suis enfermée. Là, en équilibre, dans cette position inconfortable. Et ça devient fatiguant. Ma boite c’est ma zone de confort, ici, ce sera toujours chez moi. Ici je me sens bien, même dans cette position qui me scie les genoux. Je ne partirai de cette boite que quand j’en aurais envie. Même si je sais que l’envie je l’aurais jamais vraiment.
On m’y forcera s’en doute, comme je forcerai le monstre à se remuer le gras qu’il entasse. Et tous les deux, fiers et conquérants, d’avoir su regarder au delà de la boite, on reviendra, parce que nous deux, on est bien. Parce que nous deux, on se connaît, on connaît la boite. Parce qu’à nous deux on est la zone de confort.

Mais où va-t-on ? Y’a des jours j’ai pas envie de savoir, mais là, là maintenant j’ai juste besoin de me dire si on va faire quelque chose de nous après avoir manger ces nuggets. Parce que oui, là, maintenant, c’est bien sympa, on ouvre la bouche pour bouffer, mais tout à l’heure je sens qu’on va l’ouvrir pour gueuler. Contre qui ? Hein contre nous-même ou vraiment l’un contre l’autre. Parce que je suis bien d’accord, on a envie de crier alors on l’ouvre, sans chercher à savoir si ça fait du mal à quelqu’un. Là maintenant, ce quelqu’un ça va être toi et moi. Et puis y’aura pas de nous, y’aura juste un espèce de miroir où l’on se verra l’un comme l’autre dans la pupille de son adversaire. Et l’ennemi ce sera nous-même et non plus la personne d’en face.
On veut crier, on crie.
Et puis tant pis pour l’autre, on verra demain ce que ça donne.

J’ai RIEN à dire.

J’ai vu mon chien, ma mamie, des tapisseries à fleur. J’ai vu mon papy jeune. J’ai vu ma maman mince. Je l’ai vu aussi avec les cheveux cours. J’ai revu des bouclettes. Puis j’ai confondu des visages, et j’en ai deviné d’autres. L’arrière grand-père Cartron, je l’avais jamais vu, mais je sais maintenant que c’est mon papy mais avec le nez plus rond. Je me suis prise pour ma soeur et vice-versa, mais c’est la tapisserie qui m’a dit la vérité. Les fleurs orange c’est à ma soeur. Les anges et les nuages c’est moi. J’ai vu que mon papa il s’est occupé de moi. Il a même l’air content. Je suis repartie en vacances, j’ai fêté de nouveau des mariages. Je sais pas comment c’était pendant les clichés, mais vu d’ici ça semble bien.

Elle
Lui
Lui
Lui
Elle
Elle avec Lui
Elle
Lui et Elle
Elle et Lui
Lui
Lui
Elle
Lui avec Elle
Eux

Ça tape sur les genoux. Ça tape dans les oreilles. Et puis ça veut faire l’amour. Des fois ça se bat, surtout avec son frère. Ça prend des proportions énormes des fois. Et puis ça tourne mal. En fait, ça tourne souvent mal, mais ça recommence, parce que finalement, ça aime bien. Le mal, le bien, tant que ça rigole, ça va. Ça s’en fout royalement de tout. Et des fois ça va pas bien. Des matins c’est plein de câlins, et puis d’autres de ça gueule. Ça crache. Ça chante. Même sous la douche. Ça se perd dans ses pensées, puis ça veut refaire le monde. Mais ça fait rien. Rien que parler. Ou rien du tout. Ça rêve. Un peu trop. Mais c’est bien de rêver. C’est ce que ça dit. Ça mange. Ça pleure aussi. Si, si. On dirait pas mais ça fait ça.

On verra ça demain.

Pas de limaces.
Non, pas de limaces. Y a rien qui vaut le coup, même les coups de colères à deux francs. Et les francs, ils existent même plus c’est pour te dire. On peut pas partager un peu d’amour bordel ? Hein ? Juste un peu d’amour. Je me sens bien, je me sens heureuse. Mais non, y’en a toujours un pour niquer tout le bonheur qui environne mon enveloppe corporel. C’est dingue ça. On peut pas être tranquille deux minutes. À croire que y’en a qui sont payés pour ça. Tous. À un moment donné. Ils viennent tous me faire chier.
Joyeuses limaces de Noël.